DEDICACES



Alfred, jeune dessinateur autodidacte de La Digue et Abraxas (tous les deux scénarisés par Eric Corbeyran), mais également du Chant du Coq ; début 2003, il sort avec David Chauvel un album destiné à la jeunesse, Octave et le cachalot, une belle réussite. En 2006, il dessine Pourquoi j'ai tué Pierre, un album qui aborde le délicat sujet de l'inceste, écrit par Olivier Ka, vieux complice.






Voir le site officiel d'Alfred, où j'ai écrit un petit texte sur son étrange obsession à dessiner des oiseaux...


Voici à présent une interview réalisée en février 2004 pour le site officiel et pour Ansible

Sens, samedi 14 février 2004, 18h30.
Nous sommes au festival de BD qui se déroule dans la salle des fêtes. Alfred vient enfin à bout de la horde de fans qui réclament autographes et dédicaces. Je l’interroge à même le stand de dédicaces, pour ne pas perdre trop de temps.

1) D’où vient ton nom d’artiste ?
A : C’est un prénom qui vient d’un jeu de gamin.. Avec des copains, on se donnait des prénoms qui n’étaient pas les nôtres. C’est resté, et depuis quelques années, ce prénom est officiellement le mien. Je ne veux plus entendre parler d’aucun autre prénom.

2) Comment as-tu appris à dessiner ?
A : Je suis autodidacte. J’ai appris à dessiner tout seul. Bien sûr, on n’apprend jamais vraiment tout seul. On observe le travail des autres, on leur montre son propre travail. Quand j’étais gamin, j’allais montrer mes dessins à des professionnels qui m’expliquaient, me corrigeaient, me saquaient aussi parfois. A l’époque, Roger Brunel habitait pas loin de chez moi (connu pour ses parodies). Il m’a expliqué plein de choses. Et puis par la suite, et au fil des festivals, j’ai rencontré d’autres personnes…

3) Quelle est ta technique de travail ?
A : Je n’ai pas de technique attitrée. J’aime bien essayer différentes choses, au gré de mes envies. Si ce qui caractérise le plus ma façon de travailler, c’est l’encrage au pinceau et à l’encre de Chine j’essaye toujours d’approcher d’autres choses, et dès que je peux encrer au stylo bic, au crayon, je le fais. J’essaye de changer ma façon de faire à chaque fois que je fais un bouquin.

4) Quels enseignements tires-tu de ton expérience d’éditeur chez Ciel Ether ? Est-ce parce que tu avais du mal à trouver un éditeur ?
A : J’ai créé cette structure alors que j’avais 17 ans. A cette époque, l’idée d’aller voir un éditeur ne me venait même pas à l’esprit. J’étais parfaitement conscient que je n’étais pas au point, et j’ai créé Ciel Ether avec des amis pour apprendre à dessiner dans un cadre concret, pour arrêter de faire des pages dans le vide, chez soi et pour soi. Je pouvais ainsi faire des bouquins et avoir des retours de « vrais » lecteurs. A petite échelle, j’ai pu ainsi voir tous les aspects de la chaîne du livre : la création, l’impression, la vente, la diffusion, la promotion, et puis le retour du public. C’était marrant et enrichissant de faire ça.

5) Comment se passent les relations avec les éditeurs ?
A : Mes relations avec les éditeurs se passent très bien. Je vais les voir, leur propose mes projets. Jusqu’à présent, ils me laissent raconter les histoires qui me tiennent à cœur. J’ai la chance de travailler avec des éditeurs différents, autant les Editions Charrette, que Petit à Petit ou Delcourt, ce qui me permet de faire des choses différentes que je ne pourrais pas toujours faire chez l’un ou l’autre.

6) Comment naît un album?
A : Essentiellement d’une envie de raconter quelque chose, et de faire vivre une histoire. quand j’étais gamin, j’avais envie de raconter une histoire avec des dessins. Tout part de là. Après, cela peut venir de plein de choses différentes : une rencontre, une envie, une déception… C’est souvent inspiré d’une impulsion, un sentiment

7) Quels contacts as-tu avec ton public ?
A : J’aime le contact avec les lecteurs. Je fais pas mal de salons, j’aime bien rencontrer les gens, discuter avec eux, découvrir qui ils sont. Pour leur expliquer peut-être aussi qui je suis…

8) Tu jongles entre « petits » et « gros » projets, chez « petits » et « gros » éditeurs. Comment passes-tu de l’un à l’autre ?
A : Je fais différentes choses chez différents éditeurs, parce que j’ai différentes envies. Je passe de l’un à l’autre en fonction de mes engagements, de mes aspirations, etc. Je pars du principe qu’on est tous composés de différentes choses, et j’essaye de faire s’exprimer certaines de mes facettes les plus importantes. Par exemple, l’envie de faire des histoires pour enfants, et l’envie de faire des histoires pour adultes. En ce moment, je veux exprimer ces deux facettes.

9) Véritable but de l’interview : Pourquoi dessines-tu souvent des oiseaux dans tes albums ?
A : (rires) Je n’en ai pas la moindre idée. Depuis tout gamin je traîne ce truc, et c’est resté. A ce sujet, j’avais trouvé ton texte (NDinterviewer : présent sur le site officiel d’Alfred, www.alfredcircus.fr.st) assez joli. J’aime bien me contenter des réponses qu’on peut trouver à ma place, et j’en resterai là.



10) Avec qui aimerais-tu travailler ?
A : Pour être vraiment franc, je suis très heureux avec les gens avec qui je travaille. Que ce soit avec David Chauvel, Olivier Ka ou Jean-Philippe Peyraud, je me sens en confiance et en amitié avec eux. Bosser et vivre des choses avec eux est un vrai plaisir, chacun pour des raisons différentes. Alors bien entendu Il y a plein de gens dont le travail me fascine ; mais je reconnais que je fonctionne tellement par rencontres, par affinités, par coups de cœur qu’il ne me viendrait pas à l’esprit de courir après quelqu’un. Des gens dont le travail m’impressionne sont peut-être de vrais blaireaux. Du coup leur boulot aura beau rester pour moi quelque chose de sublime, l’envie de travailler avec eux ne me viendrait pas. Je travaille avec les gens que j’aime. Si je ne sens pas la personne, je préfère éviter.

11) As-tu un scénario en tête ? Te sens-tu prêt à ne faire que le scénario et à laisser le dessin à un autre ?
A : J’adorerais faire ça. Mais pour le moment, je ne me sens pas prêt. Je fonctionne vraiment par images. Me priver de réaliser moi-même cette image me semble difficile pour l’instant. Je viens de terminer un album réalisé entièrement seul. C’est l’adaptation d’un roman de Roland Topor, Café Panique. Même si le texte existait au départ, il y a une bonne part d’invention à réaliser. C’est la deuxième fois que je réalise un album seul, mais pour l’heure, je ne me sens pas capable d’écrire pour un autre.

12) As-tu envie d’un univers persistant, avec des personnages qui reviendraient, un monde ? Ou bien préfères-tu les one-shots ?
A : Je n’ai pas envie de quelque chose d’immuable dans mes bouquins. Je fonctionne vraiment par coups de cœur, par envies, par réactions parfois. Je pense que la cohérence entre mes différents albums se fait d’elle même ( s’il y en a une), malgré la différence des thèmes abordés. Il faut plus de temps et de recul pour analyser cela, je pense.

13) Après le récit fantastique, l’absurde, le western, le conte pour enfants et le strip d’humour, vas-tu t’attaquer à d’autres genres ?
A : Oui, et bientôt même, puisque l’adaptation de Roland Topor, même si cela reste dans le domaine de l’absurde, sera plus littéraire, ce sera différent du reste. Avec Jean-Philippe Peyraud, on travaille sur une histoire d’amour couplée à un récit d’aventure. On explore donc de nouveaux territoires.

14) Quels sont tes projets (concrets) ?
A : La sortie d’un deuxième tome d’Octave (en avril), puis un troisième… Au mois d’avril sortira donc Café Panique, aux Editions Charrette. Le mois suivant sortira le troisième Monsieur Rouge, Monsieur Rouge contre Dr Slip (on fait ce qu’on peut). Par la suite on va travailler sur Le Désespoir du Singe, cette histoire d’amour écrite avec Jean-Philippe Peyraud, aux Editions Delcourt. La sortie est prévue pour 2005. On alterne ça avec des albums d’Octave, tant que les gens auront envie qu’on leur raconte ce genre d’histoires. A priori il y en aura quatre.

15) La BD connaît un grand boom sur Internet. Qu’en penses-tu ? Te sers-tu beaucoup de ce media ?
A : Rien ne me choque par rapport à internet. Ca permet aux gens, notamment aux auteurs, de monter des sites à moindre frais, afin de montrer leur boulot, d’avoir une vitrine plus large. Je trouve ça intéressant, même si je m’en sers assez peu personnellement. Je m’en sers essentiellement pour le travail, pour le mail… Je ne suis pas un vrai internaute, à mon grand regret. Je n’arrive pas à dégager assez de temps pour me mettre dedans.

16) La BD tend ces derniers temps vers une dénonciation, une révolte (Rural, Garduno/Zapata, etc). Toi-même, as-tu envie de te lancer là-dedans ? As-tu une envie de révolte ?
A : Je suis révolté en permanence. Il y a beaucoup de choses qui me font bondir, mais pour en parler au travers de mes albums, il faudrait que ce soit très fort, très mobilisateur. Quelque chose se profile avec un ami, qui m’a raconté une histoire le concernant. C’est vraiment très très flou, et je n’en dirai pas plus pour le moment. La bande dessinée est un medium magnifique pour pousser des gueulantes. On peut y associer texte, image, rythme… Je n’ai donc pas envie de me jeter sur la première cause qui passe pour vite en faire un bouquin… On verra bien…

17) Quel auteur récent admires-tu ? As-tu eu un coup de foudre BD récemment ?
A : C’est une question difficile. Il y a plein d’œuvres intéressantes qui sortent. J’ai beaucoup d’admiration pour Frederik Peeters (Pilules bleues, Lupus…), Nicolas de Crécy (Le Bibendum céleste, Léon la Came, Prosopopus…). Beaucoup d’auteurs m’intéressent, comme Fabien Vehlmann, au niveau du scénario (La Nuit de l’Inca, Le Marquis d’Anaon…) ; j’aime bien aussi le travail de Manu Larcenet, ces derniers temps (La légende de Robin des Bois, Le Retour à la Terre…)… Mais il y en a plein, plein plein que j’aime…

18) Quel est le dernier film qui t’a marqué ?
A : Comme on va beaucoup au cinéma, on voit beaucoup de choses, donc on ne sait plus trop quoi faire ressortir du lot… Mais là, il y a un film qui pour moi est au- dessus d’un paquet d’autres, dans ce qu’il dit et dans ce qu’il dégage. C’est Big Fish... Pas grand chose à en dire si ce n’est qu’il faut le voir et c’est tout. Le voir et se laisser absorber. Un peu plus en arrière, American Beauty est un film qui m’a complètement bouleversé… La 25ème heure, aussi. A la télévision, j’ai beaucoup aimé la série Six Feet Under.

19) Quelle découverte as-tu faite récemment ?
A : (rires) Je suis depuis quelques mois parrain d’un petit Jules. Je l’aime fort ce petit bonhomme. Et ses parents aussi. Ma grande découverte, par rapport à ça donc, est qu’il suffit que je mette un tee-shirt propre pour que ce nain me vomisse dessus. Il semblerait que ce soit une loi physique proche du paranormal… Il faudra que je creuse cette analyse…

Alfred, merci.

A : Oh de rien, vous savez, moi, si je peux rendre service…

Propos recueillis par Yannick Chazareng.

 





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